Téléviseurs à re-connecter

Toutes proportions gardées, des émissions présentées à Radio-Canada, NOOVO ou à TVA remportent des succès d’écoute à rendre jaloux les diffuseurs de plusieurs pays. Mais pour combien de temps encore ? Car désormais, lorsqu’un consommateur acquiert une télé, l’écran d’accueil qu’on lui impose comporte un ensemble de propositions, souvent en anglais seulement qui n’ont pas grand-chose à voir avec les préférences de la plupart des Canadiens. Dans un reportage diffusé début mars à l’émission Enquête de Radio-Canada, on apprend que les télés connectées couramment disponibles dans les commerces de détail sont souvent configurées de manière à exclure les contenus produits ici.
En raison de l’affligeant retard à mettre nos lois à niveau, les fabricants d’équipements ont la faculté de configurer à leur guise les appareils qu’ils proposent sur le marché canadien. Ils n’ont pas à tenir compte qu’il existe ici des créatrices et créateurs qui produisent des musiques et des émissions télévisuelles originales. La personne qui se procure aujourd’hui une télé est en situation d’ignorer l’existence de TVA, Noovo, Radio-Canada ou Télé Québec ! L’opinion publique s’émeut pour des enjeux infiniment plus dérisoires!

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Les réglages par défaut des sites web ou des objets connectés imposent leurs conditions sans qu’il soit pratiquement possible de connaître leurs modes de fonctionnement. Persister à considérer ces dispositifs comme relevant tout bonnement des « pratiques commerciales » et du consentement individuel est d’une décourageante naïveté. Une naïveté qui explique le retard des autorités publiques à imposer de vraies obligations aux fabricants et à toutes les entreprises qui configurent des objets et valorisent les données qu’ils génèrent. Cet immobilisme équivaut à cautionner les risques de manipulation qui peuvent forcément résulter de ces procédés.
Par exemple, s’agissant des livres vendus sur Amazon, le journal Le Monde rapportait les constats d’un rapport publié en décembre 2023, sur le système automatisé de recommandation et de recherche d’Amazon. Les chercheurs ont constaté que non seulement on fait la promotion de livres trompeurs sur la santé, l’immigration, les changements climatiques et les questions de genre, mais le système piège également les utilisateurs dans de tels récits.
Au niveau québécois, de telles révélations devraient inciter le gouvernement à imposer des obligations de découvrabilité aux librairies en ligne qui relèvent assurément de sa juridiction. Si les algorithmes peuvent, comme le montre l’étude parue en décembre dernier, favoriser les ouvrages complotistes et autres livres procédant de démarches de désinformation, il devrait être possible de le savoir et d’imposer que ces algorithmes fonctionnent selon des critères connus et publiquement critiquables.

Ce contenu a été mis à jour le 04/02/2024 à 9:59 AM.